L'actualité de demain : DIVISION ALLEMANDE À L'AUDIENCE DE KARLSRUHE, par François Leclerc

Billet invité. Ce billet contient des vues extrêmement négatives sur la cour constitutionnelle de Karlsruhe, je ne partage pas ce point de vue : l’exercice d’une cour constitutionnelle est un processus démocratique essentiel. Paul Jorion

La Cour constitutionnelle allemande a débuté aujourd’hui mardi deux journées d’audience destinées à l’aider à porter un jugement sur un sujet épineux : la BCE outrepasse-t-elle son mandat avec le programme OMT ? Celui-ci n’aura pas de portée contraignante sur la banque centrale, mais il pourrait amoindrir le caractère dissuasif de son annonce, n’ayant n’a pas eu besoin à ce jour d’être activé.

Jens Weidmann, le président de la Bundesbank, a réaffirmé devant la Cour que l’OMT brouillait la frontière entre la politique monétaire et budgétaire, tandis que Jörg Asmussen, membre du directoire de la BCE, a fait état de ses résultats incontestables, soutenu par le gouvernement allemand. La division traverse le camp allemand, les doctrinaires – qui se réfèrent à leur propre histoire et n’ont qu’une aiguille dans leur boussole, la lutte contre l’inflation, comme l’a proclamé Jean-Claude Trichet – s’opposant aux pragmatiques qui acceptent que la BCE élargisse sa mission afin de sauver les banques et l’euro. En attendant son jugement, qui ne devrait pas intervenir avant plusieurs mois, les éventuels commentaires de la Cour ne manqueront pas de sel.

À chaque époque ses gros dérapages ! Nul n’est besoin de remonter jusqu’à Galilée pour se remémorer un autre tribunal de l’Église, ou à Lyssenko pour se souvenir d’une vérité scientifique d’État. Plus proche de nous, on a vu les pouvoirs publics vouloir décider en France, et via la loi, de la vérité historique. Faut-il donc confier aux parlements ou aux tribunaux le soin de trancher en matière scientifique et de dire l’histoire ? De quel droit et selon quelle autorité ? Jurisprudence et méthode expérimentale semblent à l’opposé, l’une établissant une norme pour la respecter et l’autre acceptant qu’elle soit remise en question pour progresser.

Dernier épisode en date, la Cour de Karlsruhe s’arroge de facto un droit d’intervention dans le domaine financier en prétendant déterminer si ce programme de la BCE franchit ou non le Rubicon de la monétisation de la dette. Succession logique, après tout, au mélange des genres dont procède la tentative d’imposer, dans le cadre du pacte fiscal, l’insertion dans la constitution des pays membres de la zone euro de l’obligation de respecter des ratios donnés de déficit et d’endettement public !